Intervention de S�gol�ne Royal,
Ministre de l�Ecologie, du d�veloppement durable et de l��nergie
Madame la Ministre de l��ducation nationale, de l�enseignement sup�rieur et de la recherche, ch�re Najat,
Chers Jean Jouzel et Herv� le Treut, � qui j�adresse mes salutations chaleureuses - c�est une belle r�compense pour les organisateurs de cette conf�rence de voir l�audience aussi nombreuse,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs aupr�s de l�Unesco, les chercheurs, les enseignants de toutes disciplines, les responsables des organismes qui contribuent � la connaissance et � l�action,�
Ch�re Laurence Tubiana, ambassadrice charg�e des n�gociations climatiques,
Cher Gilles B�uf,
Ch�re Marie-H�l�ne Aubert, conseill�re du Pr�sident de la R�publique,
Mesdames et Messieurs,
Nous avons ici la preuve que la mobilisation de la communaut� scientifique autour des questions relatives au changement climatique est � la hauteur du message de mobilisation que Ban Ki-Moon vient d�adresser pour cette conf�rence.
D�abord, parce que cette conf�rence s�appuie sur le travail exceptionnel accompli depuis sa cr�ation, en 1988, par le Giec, ce r�seau d�expertise unique au monde.
Ensuite, parce que cette conf�rence est votre Conf�rence ; c�est d�abord la marque de l�excellence scientifique des intervenants venus de tous les continents, c�est une avalanche d�inscriptions pour ce rendez-vous majeur (deux ou trois fois plus d�inscriptions que pr�vu), c�est un large �ventail de ses partenaires, c�est une vari�t� des disciplines mises � contribution pour �clairer toutes les dimensions du syst�me climatique, de ses d�r�glements et de leurs impacts, mais aussi pour d�battre des solutions d�att�nuation et d�adaptation d�j� mises en pratique dans de nombreux territoires et qui montrent la voie � suivre � plus vaste �chelle.�
Cette rencontre est des un rendez-vous majeur pour la pr�paration du Sommet de Paris.
Sans la science, il n�y aurait pas de Conf�rence climat, ni de Convention cadre des Nations Unies conclue � Rio en 1992, ni de Protocole de Kyoto, ni de bataille des id�es gagn�e contre ceux qui ont ni� le r�le des �missions de gaz � effet de serre et de la responsabilit� des activit�s humaines.
� Savoir, c�est pouvoir �.
Aujourd�hui, nous savons.�
C�est � vous, scientifiques du monde entier, que nous devons de disposer des connaissances qui nous permettent de comprendre et nous poussent � agir.
Vous avez assum� cette � magistrature d�objectivation � qui est le propre de la science quand elle n�est pas sous influence.
Les climatologues nous ont appris que l�atmosph�re a une m�moire et qu�on ne peut, sans risques majeurs pour la vie humaine sur terre, laisser s�acc�l�rer en quelques d�cennies l��quivalent d�un r�chauffement qui prit, lors de la derni�re p�riode de d�glaciation, pas moins de 10.000 ans.
Ce serait l� � un bouleversement sans pr�c�dent dans l�histoire de l�humanit� �, dit l�un d�entre vous, pouvant � mettre en p�ril l�existence m�me de l�existence �.
Vous �tes l�, �cologues, glaciologues, pal�oclimatologues, biologistes, oc�anographes mais aussi �conomistes, anthropologues, m�decins, philosophes, juristes, sociologues, historiens, math�maticiens, g�ographes, bref, toutes les disciplines dans leur diversit�.
Les �cologues nous ont appris que, dans la cha�ne du vivant, dont nous sommes � la fois acteurs et tributaires, tout se tient et interagit, comme le rappelle souvent Hubert Reeves, raison pour laquelle climat et biodiversit� sont �troitement li�s. Facteur de r�sistance aux impacts du changement climatique, la biodiversit� est en m�me temps victime directe de ses d�g�ts.
Les glaciologues ont fait parler les glaces polaires et les bulles d�air qui y ont �t� pi�g�es � des �poques tr�s lointaines. Jean Jouzel a jou� un r�le d�terminant dans cette connaissance des climats du pass�, qui permet de situer les variations climatiques actuelles dans le contexte d�une �volution au long cours et d�anticiper les possibles variations futures.
Les travaux de pal�oclimatologie ont �tabli ce constat : les concentrations de gaz � effet de serre imputables � la p�riode industrielle ont, en �peu de temps � l��chelle de l�histoire de l�humanit�, atteint des niveaux sans pr�c�dent depuis plus de 800.000 ans, avec une acc�l�ration et une intensification qui exc�dent de beaucoup les rythmes auxquels notre biosph�re peut s�en accommoder et se r�g�n�rer d�elle-m�me.
Les biologistes marins et les oc�anographes nous ont montr� que, si les oc�ans ont jusqu�� pr�sent pu temp�rer le r�chauffement climatique, c�est au prix d�une alt�ration croissante de leur fonctionnement chimique et physique. Nous atteignons maintenant un point de basculement o� l�acidification d�truit de plus en plus la biodiversit� marine et ses �cosyst�mes qui nous rendent des services vitaux, o� la dilatation thermique entra�ne une �l�vation du niveau des mers qui menace les territoires insulaires et les zones c�ti�res du monde entier. Comme le dit Gilles B�uf, l�oc�an, r�gulateur climatique hors pair, est aujourd�hui lourdement impact� par le d�r�glement du climat et peut, tr�s vite, en devenir l�amplificateur.
Les �conomistes ont chiffr� les co�ts de l�inaction et du laisser faire climatique : de plus en plus �lev� � mesure que le temps passe, que les �v�nements m�t�orologiques extr�mes se font plus intenses, plus fr�quents, plus destructeurs : s�cheresses de l�Afrique � la Californie, inondations d�vastatrices, cyclones, typhons et temp�tes frappant � l�est et � l�ouest, au nord et au sud.
La d�rive climatique est aussi une d�rive financi�re.�
Mais les �conomistes nous montrent �galement qu�agir pour le climat, investir dans la transition �nerg�tique, prendre le tournant de la croissance verte peut �tre source d�une nouvelle prosp�rit�, d�innovations tirant parti des d�couvertes scientifiques, de cr�ation d�activit�s et d�emplois durables, surtout �dans les pays pauvres (o� l�ins�curit� climatique fait obstacle au d�veloppement).
Les entreprises et les investisseurs sont aujourd�hui de plus en plus nombreux � le comprendre, comme l�ont montr� le Climate and Business Summit et le Finance Day organis�s ici m�me. La d�carbonation des portefeuilles s�amorce.
Des chercheurs et des ing�nieurs de haut niveau ont mis au point ces � sentinelles spatiales du climat � qui prennent en permanence le pouls de la plan�te, ces satellites de haute pr�cision qui observent les facteurs et les sympt�mes du changement climatique, dont les donn�es permettent de compl�ter et d�affiner les mod�lisations, du bilan radiatif de la terre aux �changes de chaleur avec les oc�ans, de l�agitation des couches sup�rieures de l�atmosph�re o� naissent les temp�tes et les cyclones jusqu�� l��paisseur des glaces dont la fonte s�acc�l�re.
Les anthropologues et les philosophes, les sociologues et les historiens, ont �branl� le vieux partage entre nature et soci�t�, entre une histoire de la terre d�connect�e des interventions humaines et une histoire humaine o� l��mancipation �tait pens�e comme un arrachement aux n�cessit�s de la nature.
C�est aussi gr�ce � eux que nous ne prenons plus notre environnement pour une banale externalit� et comprenons l�urgence de nouer avec la nature des liens plus f�conds, porteurs d�un nouveau mod�le de d�veloppement.
Ce sont en v�rit� toutes les disciplines scientifiques qui nous aident � mieux comprendre les mutations climatiques, � mieux �valuer leurs risques pr�sents et � venir, � mieux identifier les moyens d�agir les plus efficaces.
Merci � tous ces chercheurs des sciences de la nature et de la soci�t�, qui nous aident � changer notre regard et nos mani�res de faire, dont les travaux ouvrent tant de pistes � l�innovation.
Alors nous devons gagner maintenant la bataille de l�action, puisque nous avons gagn� la bataille des id�es bien qu�il reste ici ou l� quelques lobbyistes climatosceptiques.
La bataille de l�action est, avant tout, affaire de volont� partag�e.
L�� Alliance de Paris � reposera d�abord sur un accord universel et juridiquement contraignant, con�u pour durer mais r�guli�rement r�visable � la hausse, pr�par� par les Contributions nationales ; la contribution de l�Union europ�enne est l�une des plus volontaristes. Nous avons, gr�ce � l�implication tr�s forte de Ban Ki-Moon et � un rendez-vous tr�s important en septembre � New York, l�opportunit� d�acc�l�rer les remises des contributions.
Il faudra aussi des moyens financiers (abondement du Fonds Vert, r�orientation des flux financiers publics et priv�s vers une �conomie bas carbone) et des transferts de technologie �quitables.
Il faudra un Agenda des Solutions, � partir des r�alisation des entreprises, des citoyens, des territoires.
Je veux souligner l�importance de r�gles claires et collectivement consenties parce que justes. Il n�y a pas d�efficacit� climatique sans justice climatique. Il faut une responsabilit� commune mais diff�renci�e, qui tienne compte des situations in�gales et des attentes l�gitimes de chacun.
De l�efficacit� �nerg�tique aux �nergies renouvelables, des transports propres � l��conomie circulaire, des b�timents et territoires � �nergie positive aux villes durables et respirables, de la chimie verte aux r�seaux intelligents, des mat�riaux biosourc�s au stockage des �nergies intermittentes et � la s�questration du carbone, et bien d�autres choses :
c�est un champ immense que la lutte contre le d�r�glement climatique ouvre � la connaissance et � l�imagination scientifiques � l�invention et la mise en pratique de solutions efficaces, � l�innovation technologique, sociale et m�me d�mocratique.
Le 5�me rapport du GIEC fourmille de pr�cieuses munitions pour agir � l��chelle locale et globale, dans le temps pr�sent mais aussi � longue distance. Il montre que les interactions � l��uvre appellent des politiques sectorielles et des politiques transversales.�
Il �value les instruments disponibles pour att�nuer le r�chauffement et mieux se prot�ger de ses impacts actuels (auxquels aucune r�gion n��chappe d�sormais mais qui ne les touchent pas toutes avec la m�me intensit�).
Il actualise un �tat exhaustif des connaissances et �labore diff�rents sc�narios d��volution possible qui tiennent compte des savoirs accumul�s, qui varient selon les hypoth�ses retenues et les actions entreprises ou susceptibles de l��tre.
Il met l�accent sur le r�le des territoires et en particulier des villes (qui totalisent 70% de nos �missions de gaz � effet de serre et accueilleront, d�ici 2050, les 2/3 de la population mondiale).
Il livre au d�bat public et met � la disposition de tous les acteurs une somme d�informations qui sont autant de guides pour l�action.
La recherche a, depuis, continu� de progresser.
C�est l� aussi tout l�int�r�t de votre conf�rence scientifique.
La question, d�sormais, n�est plus de savoir s�il faut agir mais comment agir.
Quelles solutions concr�tes et op�rationnelles pour combattre efficacement le d�r�glement climatique, ses cons�quences imm�diates et futures ?
Quels b�n�fices en tirer pour aujourd�hui et pour demain dans nos territoires et nos pays respectifs comme � l��chelle mondiale ?
Comment faire le choix d�une �conomie et d�une soci�t� d�carbon�es non pas comme une contrainte � subir ou un objectif inaccessible mais comme une chance � saisir et un mouvement � acc�l�rer ?
Toutes ces questions et bien d�autres encore sont au c�ur des d�bats que vous allez avoir comme elles sont au c�ur de la pr�paration du prochain Sommet de Paris.
Permettez-moi, pour conclure, trois observations.
D�abord, notre pays s�est voulu exemplaire pour m�riter l�honneur d�accueillir la Conf�rence climat. Pour �tre un pays qui s�applique � lui-m�me ce qu�il pr�conise � l��chelle internationale.
C�est pourquoi notre Parlement est en train d�adopter une loi sur la transition �nerg�tique pour la croissance verte et une loi pour la reconqu�te de la biodiversit�, de la nature et des paysages, mais surtout tous les plans d�action concrets qui les accompagnent et notamment les territoires � �nergie positive.�
Nous avons lanc� des �conomies d��nergie massives, nous r�duisons nos �missions de gaz � effet de serre, nous organisons la mutation de notre mod�le �nerg�tique, nous pr�parons l�apr�s-p�trole, nous faisons monter en puissance les �nergies renouvelables, nous d�veloppons les transports propres et l��conomie circulaire,
Nous prot�geons et valorisons notre biodiversit�, partageons �quitablement des avantages acquis de la biodiversit�.�
Nous menons une action l�gislative volontariste et une contribution concr�te � la mobilisation internationale n�cessaire.
Deuxi�mement, je souhaite insister sur l�importance de cette Conf�rence, l�importance du r�le des chercheurs.
Sans les apports des sciences, on ignorerait encore que le climat est un syst�me.
On pourrait certes constater tel ou tel changement climatique, notamment la canicule qui s�abat sur la France, impactant telle ou telle activit�, comme ces viticulteurs et ces agriculteurs qui constatent que le raisin ne m�rit plus comme avant, que la terre se d�grade, ou comme ces habitants de l�Aveyron, chez qui j��tais la semaine derni�re, qui ont vu doubler le nombre des attaques de foudre en liaison avec l�augmentation des temp�ratures et de la violence des orages.
Mais sans les scientifiques, on ne comprendrait pas la menace terrible qui p�se sur les Etats insulaires, auxquels ont �t� consacr�s l�Appel de Manille et l�Appel des Cara�bes, lanc�s par le Pr�sident de la R�publique avec les dirigeants de ces r�gions du monde.
Les �v�nements climatiques, pour ne pas rester des objets de savoirs locaux, doivent prendre tout leur sens les uns par rapport aux autres.
Relier entre elles des choses qui ne le sont apparemment pas, c�est le r�le de la science et des chercheurs.
Les ph�nom�nes climatiques sont complexes, au sens �tymologique qu�Edgar Morin donne � ce mot : tiss�s ensemble.
C�est pourquoi les comprendre, pouvoir les situer dans le temps long des mutations climatiques et sociales, tout en les articulant avec l�urgence, c�est croiser les regards et les d�marches inter-disciplinaires auxquelles les organisateurs de cette conf�rence sont tr�s attach�s, et qui me semblent une n�cessit� s�agissant du climat et de la biodiversit�.
Merci au GIEC et � vous tous de fournir aux responsables politiques, aux d�cideurs et aux citoyens des �tats r�guli�rement actualis�s des savoirs disponibles, qui relient le local au global, afin que chacun puisse prendre en connaissance de cause les responsabilit�s qui lui incombent (il ne s�agit pas de pr�conisations clefs en mains mais des �l�ments n�cessaires � des d�cisions �clair�es et inform�es).
Nous comptons beaucoup sur votre Conf�rence pour donner � voir la vitalit� et la cr�ativit� d�une communaut� scientifique qui incarne, avec un temps d�avance sur le monde politique, une nouvelle conscience plan�taire dont la lutte contre le changement climatique a tant besoin.�
J�attache � votre Conf�rence un prix tout particulier car avec cette conf�rence, la pr�paration de la COP21 s�acc�l�re.
Le Minist�re de l�Ecologie, avec celui de la Recherche, a bien volontiers apport�, avec d�autres partenaires que je salue, son soutien � cette rencontre.
L�ADEME y organise une session sur les technologies innovantes � l��chelle internationale.
Le CGDD de mon minist�re y pilote 2 sessions parall�les : sur le programme europ�en Copernicus d�observation de la Terre ; sur la co-production des connaissances � partir d�exemples de diff�rents pays.
J�ai d�ailleurs demand� � tous mes collaborateurs de quitter un peu leurs dossiers pour venir vous �couter car cet �v�nement est une occasion unique de se nourrir des apports de chercheurs du monde entier.
Je n�ai �videmment pas de conseils � donner aux chercheurs mais permettez-moi de formuler un souhait : pour �tre entendus comme vous le m�ritez et peser dans la pr�paration du Sommet de Paris, votre parole ne doit pas s�embarrasser de trop de pr�cautions.
C�est apr�s tout le privil�ge des scientifiques, de leur libert� de pens�e et du d�bat d�id�es : tenus � la rigueur de la d�monstration, vous ne l��tes pas � l�euph�misation.
Enfin, dans l��ventail des crises ou des difficult�s qu�affronte aujourd�hui notre monde et qui n�cessiteraient que leur gouvernance mondiale progresse (terrorisme, migrations, syst�me financier�), la question climatique est, de toutes, celle qui est la plus propice � une telle avanc�e : car s�il est un domaine o� l�interd�pendance saute aux yeux et o� nul ne pourra tirer seul son �pingle du jeu, si puissant ou si m�fiant soit-il, c�est bien celui du changement climatique.
La contrainte climatique est une chance que je dirais volontiers historique si je ne craignais pas que le mot, pas la chose, ne soit un peu us�.
Responsabilit� commune et application diff�renci�e : la question du climat doit �tre � l�avant-garde de la construction de cet universel concret ou pluriel, comme le dit Mireille Delmas-Marty, qui n�a pas besoin d�uniformiser pour relier et qui est une des clefs de ce monde commun que vous pr�figurez ici.
Je vous souhaite d�excellents travaux.
Je ne peux malheureusement assister � toutes vos sessions
mais nous allons, au fil de ces jours, nous retrouver � plusieurs reprises.
Si l�examen au S�nat de la loi sur la transition �nerg�tique me le permet, je viendrai �couter vendredi avec grand int�r�t, avec Laurent Fabius, les conclusions de cette belle rencontre dont je souhaiterais, comme vous, qu�elle nous permette d�acc�l�rer, d�accomplir, la r�volution �cologique, pour reprendre la belle expression de l�Encyclique du Pape.�
Nous devons �tre � la mesure des enjeux climatiques et du temps qui nous est compt�, en cr�ant l�irr�versible, surtout pour les plus pauvres et les plus d�munis, et en �tant � la hauteur de la cr�ation de notre communaut� de destin et de notre futur commun, que nous avons � imaginer, � inventer et surtout � r�aliser.
Je vous remercie.